Comment évaluer les performances des enseignants? Le projet MET

Si nous acceptons l’idée que les qualités nécessaires pour être un bon enseignant ne sont pas des dons innés, mais des qualités qui peuvent être améliorées et développées, la question de l’évaluation des professeurs devient alors centrale, non pas pour les récompenser ou les punir, mais comme instrument de progrès. Le projet “Measure of Effective Teaching” (MET) nous offre un exemple intéressant de cette pratique.

 

Dans le management de projet, la boucle de rétroaction (ou feedback loop pour nos amis anglo-saxons) est un procédé circulaire permettant de prendre des décisions et de mener des actions en se basant sur un diagnostic de départ et de les adapter au fur et à mesure des effets observés. Dans un tel procédé, la mesure des conséquences obtenues est primordiale car elle représentent le socle à partir duquel les actions de corrections peuvent avoir lieu. Les données enregistrées ne sont donc pas une fin en soi, mais une étape pour rendre les actions futures plus précises et efficaces face à une situation donnée.

 

Boucle de rétroaction - Nécessité de la mesure - projet MET

Mesurer: une étape récurrente pour améliorer la performance des enseignants – Le projet MET

Je vous invite à imaginer pour un instant l’amélioration des performances des enseignants comme un projet. Notons en amont de notre réflexion que cette proposition ne tient que si nous acceptons l’idée que les qualités requises pour être un bon professeur (maîtrise des savoirs, maîtrise de la didactique et de la pédagogie, capacité à créer une relation avec l’élève et ses parents, et une confiance forte en la capacité de chaque élève) ne sont pas innées, mais peuvent tout à fait être développées. Si nous n’adhérons pas à cette idée, alors l’amélioration de le performance des enseignants ne se pose pas, la seule et unique question est celle de la sélection au départ des professeurs.

Si donc, nous nous plaçons dans le cadre d’un projet, la première étape est de mesurer la performance individuelle des enseignants. Or cette tâche est loin d’être facile! Depuis 2009 le projet MET (Measure Effective Teaching) financé par la fondation Bill and Melinda Gates s’est attelé à la tâche.

Les équipes de recherche impliquées se sont fixées trois buts:

  • Identifier les meilleures pratiques d’enseignement
  • Identifier les meilleurs professeurs
  • Coacher les autres enseignants

Pour ce faire, et grâce à l’aide de près de 3000 enseignants, le MET a mis en évidence la nécessité de combiner différent types de mesures. Un professeur évalué selon le MET se verra attribuer un score selon cinq axes:

  • l’amélioration des compétences des élèves, mesurée par le différentiel des résultats des élèves au début et à la fin de la période d’observation,
  • l’avis des élèves sur la capacité de leur enseignant à transmettre des savoirs et des savoir-faire,
  • l’observation des méthodes d’enseignement mesurées selon un cadre de critères pré-existants (ici, l’utilisation de caméras vidéo fut prépondérante)
  • l’évaluation des compétences des professeurs dans leur(s) matière(s) et en didactique. l’accent étant mis sur leur aptitude à déceler pourquoi les élèves font des erreurs et à expliquer de différentes façons les mêmes concepts,
  • et la perception des enseignants quant au soutien qu’ils peuvent avoir de la part de leur école ou du système en général.

Derrière tous ces critères se trouvent de nombreux tests, cadres formatifs et autres questionnaires-types développés par des instituts de recherche de grandes universités américaines dont le détail n’est sans doute pas parfait. Et oui, ce projet peut paraître une usine à gaz, difficile à mettre en place à grande échelle sans les millions de Bill Gates, mais selon moi, ce projet présente plusieurs axes de réflexion extrêmement valides et qui pourraient être transposés dans d’autres systèmes scolaires.

Tout d’abord, l’accent est mis sur le fait de refléter à travers cette évaluation la performance typique d’un professeur, et non pas celle observée au cours d’une journée spécifique par un observateur spécifique. Les séances d’observation sont donc nombreuses et faites par différentes personnes pou éviter au maximum les biais subjectifs.

Ensuite un effort certain est fait pour identifier quelles sont les pratiques réellement efficaces, et donc de décomposer au maximum les actions des enseignants. Ceci peut paraître fastidieux, mais je crois que cela est nécessaire pour sortir du mythe du bon professeur et montrer que des stratégies d’enseignement peuvent être partagées et apprises.

Enfin, et cela est le point le plus important, les données ne sont pas utilisées pour récompenser ou punir les enseignants, mais servent comme base de coaching et de formation.

Pour finir, et faire la transition sur le prochain article de la série “Nous voulons de bons professeurs”, je citerai Tom Kane, Directeur du projet MET et Professeur d’Éducation et d’Économie à l’École d’Éducation de Harvard :

“Si nous voulons que nos élèves apprennent mieux et plus, les enseignants doivent devenir les élèves de leur propre façon d’enseigner.”

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