L’apprentissage du vocabulaire des émotions

La régulation des sentiments et des émotions négatives passe tout d’abord par la connaissance des termes de vocabulaire des émotions. L’école maternelle est un moment privilégié dans la vie des enfants pour appréhender cet apprentissage et leur donner les clés pour ne pas être sous l’emprise de leurs émotions négatives, mais aussi pour savourer leurs émotions positives.

Aujourd’hui, je voudrais partager avec vous le contenu d’une séance de la formation en ligne de Gail Joseph,”Positive Behavior Support for Young Children” sur la plateforme de cours edX, portant sur la façon dont on peut aider les enfants à mieux contrôler leurs émotions négatives – ou plutôt les actes qui en découlent  – et à mieux apprécier leurs émotions positives. Cette capacité se retrouve également dans le nouveau programme de maternelle qui demande aux enseignants  de “développe[r] la capacité des enfants à identifier, exprimer verbalement leurs émotions et leurs sentiments.” Mais comment y arriver? Ce cours donne des conseils pratico-pratiques sur la façon dont on peut accomplir cette tâche, et, si j’ai voulu vous en parler aujourd’hui, c’est que nombre de ces conseils peuvent être appliqués à la maison.

 

vocabulaire des émotions

Crédit photo: Patricia m, license

Partons d’un premier constat: les enfants présentant des comportements inadéquats (violence envers les autres et soi-mêmes, crises de pleurs, cris de rage,…) disposent en moyenne d’un vocabulaire des émotions à la fois plus restreints et plus focalisés sur les émotions négatives. Cela signifie par exemple que ces enfants ne connaîtrons pas la différence entre être en colère et être frustré, mais aussi qu’ils ont été moins confrontés dans leur vie aux mots désignants des émotions positives.

Or il a été démontré que le fait de pouvoir reconnaître ses propres émotions, et donc de les nommer, est un premier pas incontournable dans la capacité à gérer les actes découlant de ces émotions. Une telle lacune de vocabulaire a alors deux conséquences:

  • le fait de connaître différents termes autorise à développer des réponses, et donc des actes, diversifiés (si un enfant nomme toujours ses sentiments négatifs par le terme de “colère”, il réagira toujours de la même façon, en tapant du pied ou en frappant ses camarades. Par contre s’il fait la différence entre colère et frustration, il pourra, lorsqu’il est frustré, et non pas en colère, adopter un autre comportement)
  • le fait d’être majoritairement confronté à des termes désignants des émotions négatives renforce les émotions négatives que ces enfants ressentent (essayez par vous-mêmes: si vous vous sentez plutôt bien, mais que quelqu’un vous dit que vous avez l’air fatigué ou stressé, est-ce que vous vous sentez toujours aussi bien?).

Pour pallier à ces inconvénients, il est donc nécessaire de développer le vocabulaire des émotions des enfants. Pour cela, il existe plusieurs méthodes qui ne sont bien entendu pas exclusives les unes de autres:

  • apprentissage direct: choisir un terme spécifique et en discuter avec les enfants, leur donner des exemples de situations dans lesquelles cette émotion peuvent apparaître, leur montrer des images de personnes ressentant cette émotion, leur demander de mimer cette émotion avec leurs visages.
  • Utilisation de jeux, de livres, de films, d’histoires audio,…: il existe des dizaines de livres pour enfants traitant des émotions. On peut aussi fabriquer une roue des émotions et demander aux enfants de trouver la bonne émotion lors de la lecture. Et, petite aparté, cet été sort un film de Disney-Pixar parlant justement des émotions des enfants: Vice-versa. Je ne l’ai pas vu, mais d’après la bande-annonce ce pourrait être un bon prétexte pour parler des émotions à nos enfants.
  • Utilisation d’un tableau des émotions: chacun utilise une pince à linge avec son prénom dessus et place cette pince à linge sur l’émotion du moment. Cette méthode nécessite cependant d’utiliser l’information reçue et de donner de l’importance à l’émotion ressentie, au risque que cela ne tourne en routine vide de sens. D’un autre côté, cette méthode présente l’avantage de pouvoir modifier la place de la pince à linge et de faire ainsi comprendre aux enfants que les émotions sont mobiles, fluides et que l’on n’est pas forcément “emprisonné” dans un sentiment de colère.
  • Apprentissage en situation: utilisation des termes de vocabulaires dans des situations concrètes de la vie courante. Cette méthode est la plus efficace, car elle correspond à la façon dont les enfants apprennent naturellement le vocabulaire. Dans notre quotidien, il est donc important de parler de ses émotions devant ses enfants (OK, c’est sans doute plus facile à dire – ou à écrire – qu’à faire!)
émotions

Utiliser des images de visages pour aider les enfants à reconnaître différentes émotions. Source: Positive Behavior Support for Young Children – cours edX

Parallèlement, les enfants doivent apprendre à reconnaître leurs émotions lorsqu’ils les rencontrent dans leur vie, soit chez eux, soit chez les autres (après tout, on ne leur apprend pas ce vocabulaire pour qu’ils gagnent la dictée de Pivot!). Ceci requiert également un peu d’entraînement et nos têtes blondes deviennent des détectives en déchiffrage d’émotions et utilisent les indices suivants:

  • les expressions du visage (saviez-vous que les deux parties du visage qui changent le plus selon l’émotion ressentie sont la bouche et les sourcils?).
  • le language corporel (bras croisés, épaules bien ouvertes,…)
  • le ton de la voix
  • les situations dans laquelle on se trouve
Expressions faciales: le pouvoir des sourcils

Expressions faciales: le pouvoir des sourcils, source: Isabelle Finger

Tous ces indices peuvent être travaillés grâce à des jeux: faire deviner des émotions en montrant des images de visages, en faisant écouter des enregistrements de voix,…

Au fur et à mesure que les enfants seront plus adroits avec les concepts d’émotions, il seront plus à même de reconnaître les différents signaux physiologiques de ces émotions et donc de pouvoir utiliser des stratégies pour “désamorcer” les situations difficiles (exemple: respiration profonde avec inspiration par le nez et expiration par la bouche).

Si l’on en croit la théorie des intelligences multiples de Howard Gardner, cette capacité à connaître ses propres émotions (ou “intelligence intrapersonnelle”) n’est pas seulement un moyen de canaliser des comportements inadéquats de jeunes enfants, mais est aussi un atout important pour la réussite scolaire ET pour la réussite de sa vie d’adulte.

Pensez-vous que l’école maternelle de vos enfants utilise assez ces méthodes? Quels exercices ou jeux vous ont le plus conquis?

 

 

 

 

 

 

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