Le rôle des erreurs dans le processus d’apprentissage

3 fautes, 10 fautes , 15 fautes…La sentence tombe: zéro pointé! Trop souvent les erreurs des élèves sont encore perçues soit comme un manque d’intelligence, soit comme un manque de travail. Or cette conception ne tient pas compte de la façon dont le processus d’apprentissage fonctionne et renonce à un outils précieux pour faire avancer les élèves: l’erreur.

Lorsque l’on demande aux élèves ce qu’ils ressentent lorsqu’ils commettent des erreurs à l’école, les sentiments de honte et de colère prédominent largement. L’erreur, en tant que “faute”, est un signe de faiblesse, soit que l’élève n’ait pas été capable de saisir le contenu de la leçon (et donc, par raccourci, soit “stupide”), soit qu’il n’ait pas fourni le travail nécessaire pour maîtriser ce contenu (et dans ce cas, on aurait à faire à un “fainéant”). Si l’on en croit certains comme par exemple Peter Gumbel, auteur du livre “On achève bien les écoliers (Grasset, 2010) ou encore Claire Blondel dans sa conférence Tedx “L’éducation positive“, cette conception de la faute engendre chez les élèves la peur de prendre des risques (on pourrait dire une bêtise: il vaut mieux se taire) et un manque de créativité. Or au XIXème siècle, la prise de risque et la créativité sont de puissants moteurs de réussite personnelle et professionnelle.

Alors que dans des domaines comme la science ou l’art, l’erreur est considérée depuis longtemps déjà comme un facteur d’apprentissage et d’évolution, pourquoi est-elle si malvenue et si mal considérée à l’école?

Pendant longtemps, l’apprentissage a été perçu comme un processus de production, avec des ressources fournies à l’entrée de la chaîne (explications de l’enseignants, exercices, tests, élèves motivés et attentifs), se transformant naturellement en connaissances. Dans ce contexte, une erreur ne peut donc qu’être le fruit d’une défaillance de l’élève ou de l’inadaptation de l’enseignement.

Das le premier cas, et pour les partisans d’un enseignement “inductif”, l’erreur doit être évitée et combattue au risque de s’installer dans les esprits des élèves. Les pratiques sont essentiellement basées sur les exercices, la répétition et le renforcement des “bonnes réponses”.

Dans le second cas, l’approche comportementaliste prônant le découpage des apprentissages en différentes étapes logiques accepte l’aspect positif des erreurs, en ce qu’elles apportent des informations utiles aux enseignants pour que ceux-ci puissent  améliorer leurs séquences d’apprentissage. L’erreur demeure cependant in fine quelque chose de négatif qui devrait disparaître, une fois que le processus de l’enseignant est au point.

Ce n’est qu’avec le développement des approches constructivistes (dont un des fers de lance fut le logicien et épistémologue suisse Jean Piaget) que l’erreur se voit attribuer un rôle actif dans le processus d’apprentissage. Elle n’est plus vue comme un aspect à éviter et à supprimer, mais à la fois comme une étape normale de tout apprentissage et un symptôme riche en informations pour l’enseignant et l’élève.

Lorsque, à la fin de sa conférence, Claire Blondel demande à ce qu’on sorte d’une zone d’interdiction de se tromper, elle s’inscrit donc directement dans ce mouvement constructiviste.

Mais bien sûr, ne nous y trompons pas: accueillir l’erreur n’est pas en soi la garantie d’un meilleur apprentissage. La démarche constructiviste réclame au contraire de l’enseignant de jouer un rôle encore plus actif. Pour tirer parti des erreurs, celui-ci doit être en mesure de mener plusieurs types d’actions:

  • Comprendre pourquoi un élève donné a commis une erreur à un instant donné. Jean-Pierre Astolfi différencie 8 types d’erreur dans sa typologie (voir encadré)
  • Amener l’élève à prendre conscience de son erreur, soit en le faisant se confronter aux opinions de ses pairs, soit en le faisant réfléchir sur la méthode et les stratégies utilisées
  • Souligner les erreurs de façon non-agressive (encre rouge, remarques désobligeantes ou cyniques,….) et en apportant des commentaires pertinents et constructifs (on parle alors de correction “formative”). Cette dernière méthode est particulièrement importante et apparaît même au premier rang des facteurs influençant positivement les progrès des élèves dans l’étude de Hattie (2209).
Type d'erreursDescription/ exemples
Erreurs relavant de la compréhension des consignesL' élève a des difficultés avec le vocabulaire et/ou la formulation de la consigne
Erreurs résultant d'un mauvais décodage des règles du contrat didactiqueL'élève ne comprend pas ce que l'on attend de lui dans un contexte bien précis
Erreurs issues de ce que les élèves savent ou pensent d'un sujet préalablement à son traitement en classeLes élèves n'arrivent pas en classe en tant que "pages blanches".
Erreurs liées à la nature des opérations intellectuellesL'élève ne maîtrise pas encore complètement une technique et se trompe encore (ex.: lecture)
Erreurs provenant des démarches adoptées par les élèvesLes élèves ont choisi un processus plus long et/ou plus compliqué pour parvenir à un résultat et se trompent en cours de route (attention cependant à ne pas caractériser une autre méthode d'erreur a priori)
Erreurs dues à une surcharge cognitivesLes facultés de concentration de l'élèves sont temporairement limitées (faim, fatigue, stress,...)
Erreurs liées au fait que les élèves ne font pas le lien entre les outils de différentes matièresLes élèves ne pensent pas à utiliser ce qu'ils ont appris dans un autre contexte pour résoudre un problème dans une matière spécifique
Erreurs résultant de la complexité du contenuLe contenu n'est pas adapté au niveau des élèves

Vouloir apprendre de ses erreurs commence donc par les accepter et par ne plus les craindre. Ne confrontons plus les élèves à l’angoisse constante de commettre des fautes. Laissons-les essayer, trébucher, recommencer, explorer. Mais apportons-leur aussi les moyens de revenir sur ces erreurs pour en tirer le plus possible.

 

Sources complémentaires:

  • Le statut de l’erreur dans la classe et pour les apprentissages, Frédérique Cauchi-Bianchi, octobre 2012- article complet ici
  • L’erreur, un passage obligé dans la maîtrise des savoirs et des connaissances, Lahouam Moussa, avril 2014 – article complet ici

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