Les déshérités, ou l’urgence de transmettre – François-Xavier Bellamy

La culture est-elle une aliénation? Nos enfants passeraient-ils des années à user leurs pantalons sur les bancs d’école pour ne rien en retirer, ou pire encore, pour se perdre eux-mêmes? Dans son dernier livre, Les Déshérites, ou l’urgence de transmettreFrançois-Xavier Bellamy, professeur de philosophie, soutient que cette vision est latente dans notre société et qu’elle trouve ses racines chez trois auteurs, qui, a priori pourtant, ne semblaient pas avoir grand-chose en commun: Descartes, Rousseau et Bourdieu.

Les Déshérités

Les Déshérités ou ‘urgence de transmettre – Par F.X. Bellamy

 

Trois noms impressionnants qui nous ramènent tout droit à nos souvenirs de Première et de Terminale….ou du moins ce qu’il en reste. Mais cette fois, il ne s’agit pas de penser et donc d’être, de contrat social ou de capital culturel, social et symbolique. Il s’agit d’envie d’améliorer le monde et de faire des hommes des êtres meilleurs. Vous êtes prêts pour le plongeon dans les idées de ces monuments de notre histoire intellectuelle? Alors, on y va!

 

Pour le premier, l’école est une expérience décevante. Avide de connaissances et élève assidu, Descartes se rend compte un beau jour que toutes les connaissances acquises par un long et dur labeur ne peuvent être prises pour argent comptant. L’école ne peut pas transmettre la vérité, seule la raison est capable de juger entre le vrai et le faux. Par conséquent, les éducateurs ne devraient pas transmettre des connaissances factuelles et datées historiquement qui pourraient se révéler fausses par la suite, mais des méthodes d’apprentissage pour que chacun sache se servir de sa propre raison. Les matières enseignées comme l’histoire, la philosophie, etc. ont certes une utilité en ce qu’elles permettent aux élèves d’entraîner leur raison et leur esprit critique, mais les contenus en eux-mêmes sont de peu de valeurs.

Le deuxième, quant à lui, est moins à la recherche de vérité que de bonté et d’innocence. Le savoir, le progrès, la civilisation ne font que nous éloigner de la nature et de notre personnalité “vraie”, toutes les deux bonnes par essence et porteuses de sagesse, de vertu et de bonheur. L’éducation corrompt l’homme et doit donc se limiter au strict nécessaire utile; les élèves devant apprendre par eux-mêmes, de leurs propres erreurs.

Enfin, le troisième, lui, est à la recherche d’égalité et de justice sociale. Or pour lui, l’école n’est pas seulement incapable de réduire les inégalités, elle les produit et les reproduit. Affichant un discours méritocratique, elle ne fait que légitimer et renforcer la place donnée par la naissance. L’ascenseur social est en panne, l’école est un lieu de violence symbolique auquel les élèves ne peuvent échapper et pour lequel les professeurs ont vendu leur âme.

La fin du livre de François-Xavier Bellamy est un réquisitoire humaniste en faveur de la culture. Pour notre auteur, la culture n’est pas un “bagage” que l’on porterait plus ou moins comme un fardeau, mais bien au contraire un élément constitutif de la personnalité de chacun. Le rôle de l’école, mais aussi des parents, est donc de transmettre à nos enfants ce qui compose notre culture afin qu’ils se l’approprient, et deviennent un peu plus eux-mêmes et un peu plus libres.

Quelle peut-être aujourd’hui l’influence de Descartes, Rousseau et Bourdieu sur le quotidien de notre école? Même si nos auteurs sont issus d’un contexte historique bien précis, leurs idées sont toujours reconnaissables dans certaines pratiques ou discours actuels.

Descartes vécut à une période charnière où les traditions et vérités religieuses commençaient à se heurter aux découvertes scientifiques. La condamnation de Galilée fut un dur choc pour lui. Pas étonnant alors que, dans ce contexte, il se soit méfié des vérités inscrites dans les livres! La solution qu’il propose, apprendre aux élèves, non pas des faits, mais des méthodes pour pouvoir juger de la véracité de ces mêmes faits, se retrouve dans les discours prônant de focaliser les enseignements sur les savoir-faire, sur la méthodologie, le raisonnement et sur les outils. Au quotidien, cela se traduit par exemple par la notation des copies de maths basée sur la démonstration ou le chemin utilisé pour obtenir un résultat, plutôt qu’uniquement sur le résultat final, ou sur la dissertation ou l’analyse de documents en histoire plutôt que sur l’apprentissage par cœur de dates.

Rousseau, lui, vit ses contemporains découvrir et conquérir de nouvelles contrées et entrer en contact avec des peuples vivant au plus proche de la nature. De là à développer l’idéal du “bon sauvage”, il n’y avait qu’un pas que Rousseau franchit joyeusement. Bien sûr aujourd’hui, nous savons que ces peuples avaient aussi une civilisation, une culture, qu’eux aussi ont été capables du meilleur comme du pire. Le fait de vivre dans la forêt ne signifie ni rester pur et innocent, ni pouvoir se passer des apprentissages apportés par le reste du groupe. Malgré l’invalidité des arguments de Rousseau, une partie de son discours demeure très présente. Aujourd’hui, les uns parlent de laisser les enfants apprendre à leur rythme, de faire confiance à leur curiosité naturelle, de favoriser l’expérience personnelle à la transmission par un tiers.

Enfin Bourdieu évolua dans une ambiance marquée par les thèses marxistes sur la lutte des classes. Si sa critique de l’école semble basée sur des arguments solides, il ne propose pas vraiment de solution. Ses idées pèsent sur l’institution comme un reproche permanent, minant la confiance que les parents peuvent avoir envers l’école et posant un problème de conscience aux professeurs qui choisirent cette profession pour aider leurs élèves.

 

Et vous? Quelle thèse vous parle le plus? Pourquoi? Je serais ravie d’avoir vos commentaires là-dessus!

En attendant, je vous souhaite un joyeux mois de décembre!

A bientôt

Isabelle

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