Qu’est-ce qu’un bon professeur?

Pour être un bon professeur, un enseignant doit parvenir à constamment créer un équilibre entre 4 qualités essentielles: la maîtrise de sa (ses) matière(s), des compétences didactiques et pédagogiques, la capacité de construire une relation avec les élèves et leurs familles et enfin avoir confiance dans le potentiel des élèves à progresser. Difficile métier que celui-ci….mais la bonne nouvelle c’est que ces qualités peuvent s’apprendre et se développer!

Les personnes que j’ai interrogées autour de moi affirment avoir parfois eu un professeur génial et se souviennent en général de 2-3 bons professeurs. Mais elles peuvent aussi remarquablement bien se remémorer les pires enseignants qu’elles ont eus. Dans mon cas, il s’agit de mon tout premier professeur de physique en 6ème. Il ne lui a pas fallu plus d’une heure de cours pour me dégoûter de cette matière pour le reste de mon cursus. Dommage, car dans ma vie d’adulte, je remarque combien la physique s’avère utile (parvenir à régler un problème électrique chez moi) et passionnante (mieux comprendre la gravité pour décider si le film Interstellar est un chef-d’oeuvre… ou pas).

Cela peut paraître une évidence, mais les bons professeurs sont absolument nécessaires si nous ne voulons pas gaspiller le potentiel des élèves. Si l’on en croit l’étude du Centre d’analyse stratégique “Que disent les recherches sur l'”effet enseignant”? (2011),

“10% à 15% des écarts de résultats constatés en fin d’année entre élèves s’expliquent par l’enseignant auquel l’enfant a été confié.”

D’autres études soulignent que les bons professeurs sont un remède efficace contre les inégalités:

“Si un enfant issu d’un milieu socio-économique défavorisé a pendant 5 ans un bon professeur, ses chances de parvenir à un bon niveau d’apprentissage sont similaires à celles d’un élève issu d’un milieu favorisé” (Hendrik Jürges et Kertin Schneider, spécialistes de l’éducation, cités dans l’eBook de Geo: “Schule: Was ist ein guter Lehrer?”- en Allemand)

Si la responsabilité et l’impact des enseignants sont si flagrants dans les résultats des élèves, il semble alors tout à fait inacceptable que le système scolaire se permette encore d’avoir des professeurs qui ne soient pas bons!

Oui, mais…qu’est-ce que cela veut dire, “être un bon professeur”? La littérature est importante sur le sujet. Le Ministère de l’Éducation Nationale a publié une liste plus ou moins interminables sur les qualités et les compétences requises chez les enseignants, mais comme le dit Mara Goyet dans son livre ” Jules Ferry et l’enfant sauvage: sauver le collège”,

“il semble, à sa lecture, possible d’être un très bon prof en ne remplissant pas exactement tous les critères et d’être lamentable en les remplissant tous!”

D”autres ont tenté des approches plus synthétiques, et pour ma part j’ai particulièrement apprécié les analyses de Philippe Watrelot, Président du CRAP- Cahiers Pédagogiques (son article ici) et d’Olivier Maulini de l’Université de Genève. Je crois que l’on peut représenter les qualités indispensables au bon professeur par ce que j’appelle le “diamant de l’équilibriste”:

 

Le diamant de l'équilibriste - les 4 qualités du bon professeur

Le diamant de l’équilibriste – Crédit photo: seacucumber/ pepino-do-mar Anneke, licence

  •  Maîtriser les savoirs propres à sa ou ses matières: L’enseignant doit avoir un niveau de connaissance si approfondi dans son domaine, qu’il doit être capable de comprendre pourquoi les élèves font certaines erreurs. Ceci nécessite une spécialisation poussée, ainsi que la possibilité de “rafraîchir” ses connaissances de temps en temps.
  • Maîtriser la didactique et la pédagogie: savoir expliquer un phénomène de multiples façons différentes et donner du feedback de façon constructive pour s’assurer que chaque élève ait pu se l’approprier. Cela peut par exemple se tenir au courant des nouvelles découvertes en termes de neurosciences, de pédagogies alternatives ou encore de technologies.
  • Construire la relation avec l’élève (et sa famille): L’apprentissage n’est pas qu’une affaire de rationnel. Les élèves apprennent mieux s’ils éprouvent un sentiment positif envers leurs enseignants. Il ne s’agit pas là de pousser les professeurs à devenir les copains de leur élèves, mais de leur demander d’éprouver de l’empathie envers ce que ces derniers peuvent ressentir et de l‘intérêt pour les individus. En se mettant à leur place, en comprenant mieux leur environnement, il est plus facile de savoir comment relier les savoirs aux expériences vécues des élèves et plus faciles de les engager dans leur processus d’apprentissage.
  • Faire preuve de confiance envers le potentiel des élèves: Nous en avions parlé, les attentes de enseignants peuvent avoir, à un certain point, une influence sur les résultats des élèves (article sur l’effet Pygmalion ici). Il semble donc plus adéquat pour les professeurs d’adopter un état d’esprit positif et constructif envers les élèves, ce qui diminue aussi les chances que certains élèves soient laissés à l’écart en raison de leurs résultats. En faisant confiance dans le potentiel de chacun, les enseignants se donnent la possibilité de ne jamais renoncer et de trouver de nouvelles approches pour chacun.

La tâche est donc bien ardue, il ne faut pas le nier et les professeurs qui parviennent à équilibrer harmonieusement toutes ces dimensions méritent toute notre admiration! Cela requiert une souplesse et une réactivité constante.

Comment font-ils pour y arriver? Faut-il voir une sorte de don inné? Cette vision a souvent été plus ou moins explicitement à la base des politiques de recrutement et de formation des professeurs. Elle est aussi relayée par le cinéma, qui nous propose soit des professeurs charismatiques capables d’enflammer leurs élèves ( ex.: Robin Williams dans “Le cercle des poètes disparus“), soit des débutants qui découvrent leur talent inné (ex.: Coluche dans “Le Maître d’école“).

Or je ne crois pas à cette vision des choses. Les qualités décrites plus haut peuvent absolument être acquises et développées, à condition que les outils pour cela soient mis à disposition des enseignants. Dans les entreprises, combien de personnes ont-elles déjà participé à des formations pour améliorer leur style de management? Pourquoi croit-on que l’on puisse développer les qualités sociales de certains individus, mais pas des enseignants?

Maintenant que nous avons rappelé à quel point il était indispensable d’avoir de bons enseignants et qu’il était possible de développer les qualités pour le devenir, j’aborderai dans le prochain article de cette série la façon dont on peut mesurer la performance des professeurs, afin de différencier les bons des moins bons. Ce diagnostique nous amènera ensuite à la question de savoir comment aider les moins bons à progresser dans leurs pratiques.

 

12 thoughts on “Qu’est-ce qu’un bon professeur?

  1. LeonB

    Tout juste il me semble !
    Je crois qu’en France, mais peut-être dans beaucoup d’autres pays aussi, il y a une autre difficulté à être un “bon prof”, que vous n’abordez pas ici : l’académisme ou dit en d’autres termes, le problème des examens terminaux, qui, se voulant d’échelle nationale, ne permettent pas de mettre en valeur des compétences complexes développées au cours de la scolarité, mais des connaissances somme toute assez artificielles pour ne pas dire inutiles. Si bien que parfois, d’excellents pédagogues vont mal préparer leurs élèves à “l’exam de fin d’année”, qui n’a, dans le fond, qu’un intérêt statistique pour L’Etat et une valeur symbolique pour la nation. Je milite pour une libéralisation maximale de l’enseignement, trouver des structures permettant de réguler bien sûr, mais tout en favorisant la liberté pédagogique et la liberté d’apprentissage, mère de toutes les réussites, de tous les épanouissements, et avant tout : mère du progrès ! Merci pour ce blog passionnant !

  2. Isabelle Post author

    Bonjour LeonB, merci pour votre remarque! Les États-Unis sont un excellent exemple de ce que vous évoquez. Les élèves sont jugés selon des test standardisés tout au long de leur scolarité. Il y a peu de marge de manoeuvre pour les enseignants, et les élèves sont catalogués rapidement. Un mouvement se met en place pour critiquer cette façon de faire, l’adoption des “Common Core” est aussi une tentative de faire en sorte que les élèves s’approprient les connaissances au lieu de les avaler “toutes crues”.

  3. LeonB

    Merci pour l’information ! Je me coucherais moins bête… J’avais une vision (clichée) plus libérale des Etats-Unis, mais cette histoire de tests tout au long de la scolarité, comme vous le décrivez, ça ressemble aux poulets en batterie… Beurk, c’est pas bon !

  4. ABOUABDELLAH Moulay Ali

    -1) Il doit être passionné par son domaine d’expertise, connaître et maitriser sa matière et savoir la faire aimer. Le meilleur prof, c’est celui qui passionne ses élèves. C’est celui qui donne le goût d’apprendre.
    -2) Il doit aider et savoir expliquer de différentes façons.
    -3) Il doit certainement être quelqu’un de dynamique et un bon communicateur( C’est celui qui a toujours le temps pour répondre aux questions de ses élèves/étudiants).
    -4) Il doit savoir se faire respecter sans être autoritaire en respectant ses élèves/étudiants et en ayant la conviction qu’il peut les faire progresser et réussir ; Il ne doit pas faire de différence entre les élèves.
    -etc.

  5. Isabelle Post author

    Bonjour!
    merci pour votre commentaire! Vous le formulez différemment, mais nous sommes, je crois bien d’accord! Si je peux me permettre de faire un parallèle entre vos points et mon allégorie du diamant:
    votre 1) correspondrait au sommet du diamant “maîtriser les savoirs”. Merci d’avoir mis l’accent sur la partie passion de ce point!
    votre 2) serait proche de la pointe inférieure “maîtriser la didactique”: savoir comment expliquer pour que chacun comprenne
    votre 3) se rapprocherait de la pointe gauche du diamant “Construire la relation”, avec les élèves bien sûr, mais sans doute aussi avec les familles
    et enfin votre 4) correspondrait à la pointe droite “faire confiance” aux élèves et avoir confiance dans leur potentiel. Merci ici aussi d’ajouter l’aspect respect et autorité.

    Bien cordialement,
    Isabelle

  6. hamid01

    bonjour
    c est facile de parler mais pratiquer sur le terrain c est très dur
    je propose ceci chercheurs travailler sur le terrain avec les élèves et après ,,,,

  7. Isabelle Post author

    Cher Hamid01,
    Merci pour votre commentaire! Vous soulevez un point très important quant à ma démarche, et je vous en remercie!
    J’abonde tout à fait dans votre sens: la pratique sur le terrain est très dure et je dis et répète dans mes articles à quel point j’admire les enseignants, qui, dans leur écrasante majorité se donne beaucoup de mal. Mon propos n’est pas de donner des leçons de morale, car mon envie est de faire bouger les choses concrètement et de donner des pistes de réflexion. Par contre, je crois aussi que la profession d’enseignant peut faire l’objet d’observations et d’analyse de la part de personnes n’ayant pas d’expérience propre en la matière, comme toute autre profession d’ailleurs. Demande-t-on à un journaliste financier d’être un pro de la bourse? Ou à un journaliste de santé d’avoir fait des années de médecine? Non.Par contre, on leur demande de bien travailler leurs sujets et de vérifier leurs dires par rapport à la réalité. Je suis toujours preneuse pour avoir des discussions avec des enseignants, si vous vouliez bien m’accorder un peu de votre temps, je serais ravie de vous interviewer et de faire partager aux autres lecteurs votre point de vue. Seriez-vous partant?
    Bien cordialement,
    Isabelle

  8. boutayeb

    L’essentiel, c’est aimer son métier.beacoup sont ceux et celles qui ont souffert et qui souffriront encore car ils sont vaincus par ce qu’on dit des” conditions défarobles”.
    Le diamant de l’equilibriste est indispensale ;le professeur pour reussir sa tache éducative doit non seulement faire apprendre des savoirs mais aussi former et devellopper la personnalité de l’apprenant.

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