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Les étapes de l’apprentissage – l’exemple des tables de multiplication

Avez-vous remarqué que si l’on demande à un enfant ce qu’il a fait à l’école, il est en général capable de nous donner son emploi du temps (“j’ai eu math, puis lecture puis on a eu la récré, et après on a choisi le délégués de classe”), alors que si on lui pose la question “qu’est-ce que tu as appris aujourd’hui à l’école”, les réponses sont généralement beaucoup plus floues. Le spectre évolue généralement entre un “rien” laconique et boudeur et un “on a eu math et géo“, en passant par un “je ne sais pas“.

Un peu décevant non? Après tout, nous ne les envoyons pas à l’école pour qu’il “fassent” de la lecture, mais pour qu’ils apprennent à lire!

Mais comment ce processus d’apprentissage se produit-il? Et quand peut-on dire que nos enfants ont définitivement appris quelque chose?

Abraham Maslow affirme que l’apprentissage nécessite de passer par 4 étapes successives:

  • incompétence inconsciente,
  • incompétence consciente,
  • compétence consciente
  • et enfin compétence inconsciente.

Voyons ensemble ce que cela signifie, et surtout comment, nous parents pouvons reconnaître ces étapes et accompagner nos chères têtes blondes sur ce parcours. Pour cela, je vous propose de prendre comme exemple un enfant de primaire, Marc, 8 ans, confronté aux tables de multiplication.

tables de multiplication

Crédit: original Denis Mihailov, licence

Je ne sais pas que je ne sais pas (incompétence inconsciente): Marc maîtrise les additions et les soustractions jusqu’à 100. Il sait que 4+4+4+4=16, mais il n’a encore jamais vu cette même opération sous la forme 4×4=16. Marc ne soupçonne même pas que le concept de multiplication existe. La première fois que son instituteur introduit cette notion, Marc ignore encore quelles seront les stratégies qu’il devra utiliser pour apprendre ses tables de multiplication et quelle dose d’énergie il devra engager dans ce but.

Dans cette phase, la motivation nait a la fois de la curiosité naturelle de chacun et surtout de la prise de conscience du bénéfice qu’il retirera à savoir multiplier. Nous, parents, pouvons donc largement contribuer à renforcer la décision de se lancer dans l’aventure de cette apprentissage en vérifiant que nos enfants ont bien compris POURQUOI les multiplications sont utiles. Et pas seulement pour avoir de bonnes notes ou pour faire plaisir a la maîtresse, non, je veux dire utiles dans la vie de tous les jours. Et par delà le concept de multiplication, je crois qu’il est aussi utile de lui expliquer pourquoi il devra connaître ses tables de multiplication par cœur, et non pas seulement être capable de les recalculer en utilisant la méthode des additions. Le but ici est d’acquérir une nouvelle compétence, et non pas d’utiliser une une méthode d’ores-et-déjà acquise.

tables de multiplication

Crédit photo: Christy Green, license

Je sais que je ne sais pas (incompétence consciente): Marc a maintenant vu la représentation graphique de ce qu’il devra apprendre (en éliminant les doublons tels que 6×4 et 4×6, il reste quand même 54 nombres à retenir entre 1×1 et 10×10), il a essayé de trouver par lui-même le résultat de 7×8, sans succès (petite note personnelle: je ne sais pas pour vous, mais je connais un nombre impressionnant de gens pour qui cette opération fut pendant des semaines impossible a retenir!).

Maintenant sa motivation est retombée: Marc a compris qu’il lui faudrait fournir beaucoup d’efforts et que son parcours sera jonché de fautes. Le fossé, à ce moment, se creuse entre ses attentes et ses performances. La tentation est alors grande de recourir aux bonnes vielles additions (4+4+4=8+4=12) ou à certains raccourcis (6×8=5×8+8=40+8=48). A ce stade, Marc a besoin de quelqu’un de confiance qui l’encourage, lui rappelle les avantages liés à cette nouvelle compétence et souligne ses progrès (par exemple, le simple fait de pouvoir utiliser le raccourcis mentionné plus haut est un signe que Marc avance dans sa compréhension). Marc peut parfois sembler faire du surplace, savoir le lundi que 5×3=15, mais affirmer le mardi que la réponse est 25. Notre patience, notre “entêtement”, et bien sur notre confiance en ses capacités d’atteindre son objectif sont de précieux atouts pour Marc.

Je sais que je sais (compétence consciente): Hourra! Marc a réussi à réciter dans l’ordre et le désordre de 1×1 a 10×10! Il vous regarde, fier et heureux, pas encore tout à fait sur d’y être réellement arrivé. Vous vous félicitez et pensez que ça y est, ouf, le passage obligé est terminé (oui, personne ne vous avait demande si ça vous plaisait à vous de réapprendre vos tables, et de toute faon 7×8, vous le tapez sur une calculatrice à chaque fois, non?).

Hélas, le voyage n’est pas encore complètement terminé. Il manque encore à Marc la capacité de jongler avec son nouveau savoir. Lorsque vous lui posez une suite d’opérations dans le désordre, ses réponses sont encore hésitantes et il lui arrive  de se tromper. Une dernière étape reste a parcourir.

 

Je ne sais pas que je sais (compétence inconsciente): Marc a pratiqué ses tables de multiplication encore et encore, il a noirci des pages et des pages d’exercices et maintenant il regarde avec de grands yeux sa petite sœur en classe de CP qui lui dit que 4+4=8 et 4×4=12. Marc trouve maintenant tout à fait normal que 4×4 fasse 16. Comment cela pourrait-il être autrement? Et pourquoi sa petite sœur ne sait-elle pas cela? Marc a maintenant automatisé son savoir. Il peut l’utiliser en classe pour résoudre des problèmes et au quotidien (4 semaines d’argent de poche en retard fois 5 euros, cela fait 20 euros, maman!).

 

Mission officiellement accomplie! Bravo à Marc et à ses parents!