L’école autrement: comparaison entre l’École du Colibri et le cours Alexandre-Dumas

Deux écoles, deux modèles, L’École du Colibri et le Cours Alexandre-Dumas. Chacune à sa manière tente de relever les défis de l’école publique en apportant des alternatives différentes…et qui pourtant se rejoignent parfois.

Dans son livre “Creative Schools“, Sir Ken Robinson met en doute la capacité des systèmes scolaires à se réformer par le haut. Il prêche pour un mouvement partant de la base, dans l’espoir que celui-ci se propage et vienne ébranler les fondations sur lesquelles repose encore largement l’école aujourd’hui. Or ces fondations nous ont été léguées par l’ère industrielle. Si elles eurent un impact positif pour des millions d’enfants pendant longtemps, elles ne correspondent plus aux défis actuels et aux attentes de notre société.

Les tristes débats autour de la réforme du collège semblent valider la théorie qu’une réforme venant de l’État ne verra pas forcément le jour demain. Par contre le nombre de personnes et d’organisation engagées dans un renouveau de l’école augmente rapidement. Ces acteurs, venant souvent d’horizons variés, ont décidé de ne pas attendre pour apporter leur pierre à un nouvel édifice.

Mes lectures et mes rencontres m’ont fait récemment découvrir deux écoles qui essaient de faire bouger les choses: l’École du Colibri à la Roche-sur-Grâne (Drôme), école privée sous-contrat, et le Cours Alexandre-Dumas à Montfermeil (Seine-Saint-Denis), établissement privé hors-contrat.

Rien qu’aux noms qu’ont choisis ces deux écoles, on s’imagine et on s’attend à des styles bien différents! Et…on ne va pas être déçu! Si j’ai décidé de les comparer aujourd’hui, ce n’est pourtant pas dans l’intention de trancher entre les deux modèles, mais plutôt d’illustrer qu’il n’y a sans doute pas une réponse unique aux différents problèmes que rencontre l’école aujourd’hui.

Rapide tour d’horizon

L’École du Colobri fut ouverte en 2006 dans un petit village de la Drôme suite à l’initiative d’Isabelle Peloux, une institutrice de l’Éducation Nationale, de Michel Valentin et de Pierre Rahbi. L’idée était de créer une structure au sein de la ferme des Amanins pour mettre en pratique les principes du mouvement Colibri. Elle compte 35 élèves du CP au CM2, dont environ 20% connaissent des difficultés d’apprentissage (dylsexie,….). Aujourd’hui, c’est cette même Isabelle Peloux qui enseigne et dirige l’école.

Le Cours Alexandre-Dumas est un peu plus récent. Il ouvrit ses portes en 2012 suite à l’initiative d’Éric Mestrallet, un entrepreneur de Seine-Saint-Denis. Il peut accueillir jusqu’a 130 élèves, de la primaire à la fin du collège et s’adresse particulièrement à des enfants issus de banlieues défavorisées. Il est dirigé par son directeur, Albéric de Serrant.

Regardons ces deux modèles de plus près…

Leurs missions

École du Colibri: La coopération entre les personnes va devoir remplacer l’individualisme si nous voulons faire face aux défis lancés par l’augmentation du nombre de personnes sur Terre et l’aspect limité des ressources. Il faut apprendre aux enfants comment vivre ensemble. Cela passe par le développement de la confiance en soi, de l’ouverture à l’autre et de la gestion pacifique des conflits.

Cours Alexandre-Dumas: L’école publique ne parvient pas à assurer l’égalité des chances et laisse sur le rebord de la route une part croissante d’enfants, notamment ceux issus de milieux sociaux fragiles. Leur intégration sociale passe par une meilleure connaissance et une meilleure maîtrise des éléments fondamentaux de la culture française, sans pour autant renier leurs origines.

Les deux établissements se rejoignent donc dans leur diagnostic sur l’école publique: celle-ci ne parvient pas à mettre entre les mains des enfants les outils requis pour mener une vie d’adulte épanouis et en paix avec leur environnement social. Par contre, les buts ultimes que se sont fixés ces deux établissements varient. L’École du Colibri prône une approche générique et écologique avec pour horizon la planète entière et les relations entre les être humains, alors que le Cours Aexandre-Dumas tente d’apporter une réponse à des difficultés spécifiques à une certaine population en France.

Leurs valeurs principales

École du Colibri: Respect de l’environnement naturel. Respect de l’individualité de chacun et tolérance ouverte et curieuse envers les différences entre personnes. Gestion pacifique du conflit. Partage des ressources et entraide. Incitation à la construction d’une opinion personnelle.

Cours Alexandre-Dumas: Valeurs de la République, dont une laïcité ouverte (aucune opinion religieuse n’est proférée par le corps enseignant, mais le fait religieux et les différences de croyances ne sont pas bannis de la discussion). Respect des individus en tant qu’être égaux dont chacun doit remplir son rôle de son mieux. Encouragement à l’effort et au respect des règles pour devenir maître de son destin. Confiance dans le potentiel de chaque élève.

Cours Alexandre-Dumas

Cours Alexandre-Dumas

⇒ Si la façon de formuler leurs valeurs sont bien différentes, les deux écoles se rejoignent sur bien des points. Les idéaux de liberté individuelle et de fraternité de la République peuvent (devraient?) être interprétés comme des manières de vivre ensembles en bonne harmonie. La gestion pacifique des conflits et l’ouverture à l’autre ne sont-elles pas des facettes de la laïcité (ou inversement)? 

Leurs stratégies

École du Colibri: Accompagner les enfants pour qu’ils apprennent à apprendre des uns et des autres, et intégrer la nature dans leur quotidien. Le programme scolaire de l’Éducation Nationale est suivi “en gros” (ils sont parfois un peu “allégés”).

Cours Alexandre-Dumas: Partir du point de départ de chaque élève en termes de connaissances scolaires et permettre à chacun d’acquérir les fondamentaux. Le programme de l’Éducation Nationale n’est pas suivi, l’accent est porté sur le Français, les Maths et l’Histoire de France.

C’est ici, à mon avis, que la plus grande différence existe entre nos deux écoles. D’un côté nous avons les classes d’Isabelle Peloux qui tendent à valoriser des attitudes (savoir vire et travailler ensemble). Dans cette optique, les programmes scolaires sont perçus comme un point d’appui adaptable à la marge. De l’autre, nous avons affaire à un établissement qui affirme avec force la valeur des connaissances et qui a volontairement engagé une reconstruction des programmes afin de s’assurer que les élèves puissent réellement se les approprier.

Leurs tactiques principales

Transmission des connaissances

D’une manière générale, si l’on devait faire une distinction entre transmission verticale du professeur à l’élève et une transmission horizontale, dans laquelle l’enseignant endosse plutôt la casquette d’un facilitateur, on pourrait placer le Cours Alexandre-Dumas du côté de la transmission verticale et l’École du Colibri du côté de la transmission horizontale.

Au Cours Alexandre-Dumas, les connaissances sont vues comme des briques qu’il faut acquérir dans un ordre logique pour fabriquer des fondations solides. Les élèves ne sont pas supposés “réinventer” les briques, mais les recevoir de la part des enseignants pour pouvoir les utiliser correctement et à bon escient.

A l’École du Colibri, l’accent est mis sur les stratégies pour apprendre à apprendre. Isabelle Peloux s’est notamment beaucoup inspirée des principes de la gestion mentale d’Antoine de la Garanderie. Les élèves travaillent en groupes d’âges mixtes (CP-CE1-CM2 et CE2-CM1) et une grande partie des activités se fait d’abord en individuel afin que chacun essaie de trouver une solution, puis les enfants se regroupent pour partager et tester leurs stratégies.

L'École du Colibri

L’École du Colibri, crédit photo: École du Colibri

Évaluation des élèves

Ces deux écoles s’accordent sur le fait que l’évaluation des élèves telles qu’elle est aujourd’hui pratiquée apporte bien souvent plus d’inconvénients que d’avantages. Au Cours Alexandre-Dumas, les notes existent (et sont mêmes assez fréquentes puisque les élèves ont des devoirs sur table presque tous les jours), mais les enseignants essaient de tenir compte dans leurs évaluation à la fois du niveau des élèves par rapport à une certaine norme (ce qu’ils devraient pouvoir faire), à leur degré d’effort et à leur progression. Le but est ici de motiver les élèves à s’accrocher.

A l’École du Colibri, les notes n’existent pas avant le CM2. Un système d’évaluation par des feux tricolores a été instauré pour mettre là aussi l’accent sur les efforts fournis et ceux à qui demeurent nécessaires. Les élèves commencent par s’auto-évaluer, puis c’est le tour des enseignants. Un temps de discussion est alors utilisé pour expliquer et comparer les résultats. Selon Isabelle Peloux, l’avantage de ce système consiste dans le fait que les élèves ont une vision synthétique de leurs performance et qu’ils ne se concentrent pas uniquement sur un chiffre. Cela permet aussi de limiter la compétition entre élèves.

Participation des parents

Sur ce point aussi le diagnostic de nos deux écoles se recoupent. La relation entre l’école publique et les parents laisse à désirer et ne répond pas aux attentes et besoins des uns et des autres. Chacun de ces établissements a donc décidé de plus impliquer les parents dans la scolarité de leurs enfants et dans le quotidien de l’école. Et cela commence dans les deux cas par une participation financière¹.

A l’École du Colibri, les parents sont aussi les bienvenus pour partager leur expérience, leurs connaissances et leurs passions avec les enfants. Les décisions pédagogiques restent cependant dans les mains de l’école (Isabelle Peloux souligne bien qu’elle ne souhaitait pas avoir des “parents comme clients“). Son livre contient également un certain nombre de conseil en termes de parentalité (exemple: communication non violente au sein de la famille, comment gérer une séparation pour le bien-être de l’enfant,…).

Au Cours Alexandre-Dumas, les parents sont vus comme les responsables in fine de l’éducation de leurs enfants et pris en compte comme tels. Les enseignants doivent prolonger le travail des parents en se focalisant sur l’instruction. Il est donc très important que ces deux types d’acteur travaillent mains dans la mains. Non seulement l’école maintient une communication permanente avec eux (notamment par SMS), mais elle les intègre dans certaines décisions, notamment en termes de sanctions.

Relation aux autres et à son environnement

Comme je l’ai signalé plus haut, les valeurs de ces deux écoles sont en la matière assez proche et tendent toutes à permettre à chacun de s’intégrer harmonieusement dans son environnement, en prenant la place à laquelle il a droit, tout en respectant celle des autres. Les moyens mis en oeuvre pour cela n’en demeurent pas moins bien différents.

Au Cours Alexandre-Dumas, le respect des autres passe par un certain formalisme (vouvoiement des élèves et des enseignants, uniforme), mais aussi par le recours aux symboles de la République (lever de drapeau) et par le renforcement du sentiment d’appartenance (étendard de l’école). L’entraide et la coopération sont encouragées par la mise en place d’équipes multi-âges et par une sortie annuelle de 3 jours sous la tente. La référence au scoutisme est forte et complètement assumée. La vie en société est abordée par des cours d’éducation civique et par un renforcement des heures dédiées à l’Histoire et à la Géographie. L’équipe pédagogique est aussi très sourcilleuse sur le fait de faire vivre toutes ces valeurs au quotidien. Une réunion est notamment organisée en fin de chaque journée pour aborder avec tous les élèves les comportements positifs et les autres et mettre en avant les efforts fournis. Enfin, la relation à la nature, pas évidente quand on habite en banlieue, est renforcée par une ballade hebdomadaire de tous les élèves et professeurs.

A l’École du Colibri, l’ambiance semble moins structurée et Isabelle Peloux indique bien que tous ses élèves ne sont pas des anges et que sa cours de récréation ressemble à beaucoup d’autres! Il n’en reste pas moins que la responsabilisation des élèves et la gestion des conflits demeurent un des objectifs principaux de cette école. Pour cela, il existe également un temps de réunion au cours duquel les élèves parlent librement, mais dans le respect de chacun, des problèmes rencontrés…et des bons moments. L’école s’investit aussi beaucoup dans l’apprentissage de la paix, paix avec soi-même, paix avec les autres et avec son environnement, en poussant les enfants à mieux comprendre leurs besoins et leurs émotions et à les communiquer de manière pacifique, grâce à différents exercices et jeux. La relation à a nature est particulièrement mise en avant: les élèves font l’expérience constante de la vie à la ferme.

Construction de la personnalité

Enfin, nos deux écoles s’accordent sur le fait qu’il est plus important d’éduquer des individus qui savent prendre leurs distances vis-à-vis d’une société de consommation aliénante. Toutes deux reconnaissent l’importance d’inclure des thèmes plus existentiels dans le quotidien de l’école. Bannir les thèmes de la religion, de la vie, de la mort n’aide pas pes élèves. Ils sont de toute façon préoccupés par ces sujets et en faire des tabous est contre-productif en ce qui concerne la confiance et la relation entre élèves et enseignants et le développement de la tolérance et de l’ouverture à l’autre. Nos deux écoles ont donc décidé d’introduire un temps réservé à la discussion philosophique.

La connaissance de soi, de ses propres forces fait aussi partie des objectifs des ceux écoles et découlent de tout ce qui a été mis en place par ailleurs.

Pour en savoir plus sur ces deux modèles d’école, je vous invite à consulter leurs livres respectifs et à les soutenir ici et ici.

Le mot de la fin

Si ces deux écoles sont bien différentes l’une de l’autre, leurs propres systèmes sont fortement cohérents en eux-mêmes. A chacun de voir de quel côté son coeur pencherait selon sa propre sensibilité et le caractère des ses enfants. Pour moi, ce sont deux exemples formidables d’initiatives personnelles et d’espoir pour que le système évolue et qu’on n’offre pas seulement un seul modèle aux élèves et aux familles, mais que l’on prenne en compte les différences de situation et que l’on adapte les solutions pour un meilleur résultat.

***

¹ 115 euros par mois et par enfant à l’École des Colibri (prix incluant le repas de midi) et une présence des parents une demi-journée par mois pour participer aux tâches ménagères et de fonctionnement. 750 euro par an et par famille au Cours Alexandre-Dumas (prix hors repas de midi).

One thought on “L’école autrement: comparaison entre l’École du Colibri et le cours Alexandre-Dumas

  1. hammouti abdelkhaleq

    il est temps de faire un changement global pour avoir des ecoles qui connaissent les besoins ; les envies ….. des etudiants d’aujourd hui !je peux meme poser la question suivante : pourkoi pas une revolution pedagogique et educative?

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